Une rentrée chaude pour Jupiter ?
Il a intérêt à s'être bien refait la cerise à Brégançon, notre Jupiter. Car, comme d’habitude,
la rentrée va être chaude. Et même plus que d’habitude selon la plupart
des observateurs, tant les ombres s’accumulent, paraît-il, sur notre
vieux pays. Élu en partie grâce à une startup en communication il y a
maintenant plus d’un an, sa stratégie consistant à privilégier la parole
sur l’action - inédite chez un.e politique... - tend à ne plus adhérer
dans l’opinion. Il ne faut plus prendre les enfants du bon Dieu pour des
canards sauvages. Puisqu’il aime Audiard...
L’affaire Benalla a été à ce titre symptomatique. Non par sa gravité
puisqu’il s’agit d’un fait divers de presque rien dont le protagoniste
principal n’était, en fin de compte, qu’un fougueux trop jeune pour être
déjà rentré dans le rang. Mais par l’ampleur inédite, dans ce début de
quinquennat, de la vague de désapprobation. La subtile mécanique a
grippé sur un mauvais rouage secondaire. Preuve que le momentum, le
timing précis du mot, la virtù l’ont quitté, du moins pour l’instant. Si
les journaux en ligne en ont fait leurs choux gras des jours durant,
c’est qu’il y avait du clic. Certes, du clic dans un désert médiatique
post-coupe du Monde. Mais gageons que l’intérêt du public fera son grand
retour après la canicule et les chassés-croisés sur les routes qui
bouillent.
Pour autant, le jeune lion se tient droit comme un i dans ses
coussinets. Ses talents d’orateur demeurent intacts et il a suffi d’un
discours inopinément millimétré devant une foule innombrable rassemblée
entre les quatre murs de la Maison de l’Amérique latine pour prouver au
monde que les Cent-Jours étaient loin d’être arrivés à leur terme. Sa
confiance inébranlable fut et est encore sa force, elle sera peut-être
aussi la cause de sa perte, finissant par se confondre avec un mépris
trop dur à avaler par le peuple et provoquer le retour de son
prédécesseur plus-que-normal, dont il ne faut pas sous-estimer les
pouvoirs de persuasion et de nuisance. Par ailleurs, le ton audacieux,
percutant, véhément qui était permis durant la période de campagne se
mue désormais en formules provocantes, exacerbées, inappropriées. «
C’est notre projet ! » s’est transformé en « Qu’ils viennent me chercher
! » : après la conquête, la défense des acquis le fait passer pour un
retranché de la République.
Car en ces temps de rentrée, il n’est pas certain que son
bronzage au plus-que-parfait suffise à atténuer la colère qui gronde
plus fort chez ceux qui n’ont pas voté pour lui (les plus nombreux dans
l’absolu mais aussi, en relatif, les moins nombreux à partir en
vacances) et qui commence à gronder chez les adeptes en marche, qui
deviennent claudiquants.
Le monde est compliqué mais les gens qui ne sont rien raisonnent
simplement : c’est aussi à ça qu’on les reconnaît. Leur pensée n’a pas
l’ambition d’être complexe ; elle évolue chaque mois en fonction du
montant qui s’affiche en bas à droite du bulletin de salaire. Déjà, ils
n’ont guère goûté que la trêve estivale de mauvaises nouvelles n’ait
pas été respectée du début à la fin : les dépendants qui
consultent encore leurs mails à cette période ont ainsi eu la
désagréable surprise de recevoir leur avis d’impôt sur le revenu début
août. Toujours cet effroyable timing alors que se profile la délicate
réforme des retraites et que les Français sentiront bien distinctement
passer le prélèvement à la source en janvier prochain ! Il faudra une
communication bien huilée pour éviter l’overdose de pilules fiscales.
La hauteur de vue de Jupiter risque donc de se heurter au prosaïsme du
monde d’en bas. Sarkozy avait probablement raison d’annoncer que cette
farce finirait mal, tant il paraît éloigné des aspirations immédiates du
peuple. Car la pensée qui obnubile les gens de rien, c’est de ne pas
être pris au porte-monnaie plus qu’ils ne le sont déjà et, de ce point
de vue, on ne peut pas dire que le nouveau libérateur ait vraiment
rassuré jusqu’ici. La question se pose donc de savoir combien de
rentrées chaudes nous connaîtrons avant un éventuel grand soir. Avant
que la puissance du foudre de Jupiter ne suffise plus face au nombre
grandissant de fourches se levant dans les mains des indignés.
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