Hamon : le Devoir de la Paresse

Après le ralliement inattendu du tribun Mélenchon, sénateur anti-élites, Benoît Hamon élu président a autodafé la Bible millénaire pour ressusciter le Droit à la Paresse de Paul Lafargue. Depuis, notre nouveau Timonier, moins sévère que les précédents, a révolutionné chaque mois de l'année pour n'en faire que cinq jours ouvrés, c’est-à-dire effectivement dévolus au travail. Tout le monde va beaucoup mieux, et on se demande bien pourquoi personne n'y avait pensé plus tôt. Paul Lafargue lui-même, qui avait théorisé l’oisiveté au crépuscule du XIXe siècle en prônant un labeur quotidien d’au pire trois heures, manquait d’ambition. Il aurait été fier de voir autant d’ouvriers poser une journée de travail, par-ci, par-là, pour casser la routine du temps libre. A l’heure où l’on glande, soulagé, libéré de la malédiction du tripalium, il doit avoir les pieds en éventail dans sa tombe.

Avec Benoît, ce droit à la paresse est devenu un devoir. La courtitude de février a gardé sa spécificité mais, ce mois étant béni des Dieux, il a été relogé en période estivale, saison plus propice à la contemplation du bonheur universel et des Pokémon 3D s'ébrouant magiquement dans les allées du parc Monceau, bien-odorantes depuis le fauchage des dernières fleurs de lys. Afin de préserver les organismes en vue d'une retraite prochaine, le travail n'est plus autorisé qu'entre 17 et 21 degrés Celsius de température extérieure, faisant du printemps et de l'automne, saisons favorables à cette fenêtre thermique, des jours haïs des travailleurs.

La dureté de la vie et toutes ses aspérités rugueuses ont été réduites à portion congrue. La discipline commençant dès le plus jeune âge, le nouveau-né est désormais interdit d'allaitement. Cette pratique d'un autre temps, moyenâgeuse, permettait de survivre dans un monde de barbares. Le peuple de Hamon, lui, est civilisé. L'habitude précoce de l'effort consistant à extraire le lait du sein de la mère risquant à terme de forger un caractère combatif et opiniâtre entrait en contradiction avec l’esprit de béatitude propre à la société oisive que chacun appelle de ses vœux.

On ne compte plus la dette, habitude ringarde de pâle apothicaire dépressif ayant passé trop de temps à l'ombre de ses liasses fiscales. Le calcul du PIB a été supprimé car il engendrait une émulation malsaine entre les nations, entretenant une course au toujours plus matérialiste. Au ministère de la Culture, dénomination élitiste et anxiogène synonyme d’apprentissage, a succédé le ministère de la Fête, dont la tâche principale est de superviser l’approvisionnement des fûts de bière dans chaque ville et village français.

La propriété a été bannie. Tout appartient désormais à tous et à personne. Les mauvaises langues vipèrent que vu l'état de la dette, la propriété appartient surtout à personne, ou plutôt aux pays du Moyen-Orient, nos principaux créanciers. Ils complètent leurs outrances en rappelant qu’avant, au temps du Général, ils avaient peut-être le pétrole, mais on avait les idées, et désormais que nos monuments leur appartiennent, qu’ils ont les deux et ne nous ont laissé que la Normandie et sa pluie pour pleurer. Benoît ne goûte guère ce genre de saillies, précisant que, même à gauche, la disposition à l’ironie a ses limites, et qu’à défaut de les juger comme créanciers, il faut les apprécier comme bienfaiteurs, sponsors ou mécènes protégeant l’oisiveté spécifique française, laquelle fera d’ici peu l’objet d’une reconnaissance au patrimoine mondial, comme ont pu l’être avant elle les climats de Bourgogne. Benoît termine en argumentant qu’après tout, nos débiteurs peuvent bien profiter à leur tour de nos richesses, après ces millénaires à rallonge passés les pieds dans le sable.

Il paraît qu’un tiers des habitants a fui à l’étranger. Mais ces chiffres approximatifs ne doivent pas être pris en considération car, de toute manière, il n’y a plus personne pour compter. En outre, même si cela s’avérait exact, on ne peut pas parler véritablement de fuite des cerveaux. Car ces gens n’ont rien compris à l’humanisme, à la paix et à la tolérance.

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